J'ai le temps en horreur et ses effets aussi
le passé m'est un blanc où surnagent des îles
des villes et des noms des images futiles
que j'ignore et oublie l'instant d'une éclaircie
Le présent est un bleu cocardé de soucis
que je fuis sous couvert du travail imbécile
qui fait d'hier un demain d'une vie infertile
sans action ni valeur aux yeux du coeur ranci
et le futur est noir d'émotions avortées
où mes vélleités sont notes sans portée
fantasques vérités d'une nuit sans remords
mon bureau est ourlé de grêles fleurs séchées
sous les portraits jaunis aux murs gris affichés
désir d'éternité et refus de la mort.
Le printemps nous poussait la Toscane était verte
et descendions l'Arno en barques découvertes
Rafaël sa Madone ou Vierge de Vinci
Naissance de Vénus tu étais Médicis
David illuminait par la porte entrouverte
le désirais en toi car nul corps n'est ainsi
la foi de Michel-Ange aux passions recouvertes
où secret des alcôves il est de tels Messies
Persée avait tranché place de Seigneurie
tout le malheur du monde et Méduse a bien ri
sans glacer notre joie du démon de midi
Palais Pitti Offices ont charmé notre esprit
exacerbé nos sens tant nous étions épris
nous avions franchi les portes du Paradis.
Comme neige au soleil étincelait la cime
du temple où Salomon enchâssait l'Alliance
charriée au gré des camps l'argent de l'opulence
attira la Chaldée avec Esther en prime
les shekels des marchands source d'un nouveau crime
inclinèrent chaque ab le fléau des balances
aux portiques de l'âme horreur et indécence
céruse pour leur os qu'on jeta aux abîmes
les amandiers fleuris pommelaient le printemps
du lait dont la douceur montait au firmament
le fils de la lumière épinglait ses démons
aux corvicides d'où le prince des ténèbres
les colombes attirait pour un festin funèbre
blanc Sion et Ophel d'argent rêve et mort sur tes monts.
Bleu d'été bleu d'hiver bleus des coups du destin
que seul un dieu vengeur comme la mer étale
sur les murs les frontons lorsque l'aube détale
recrue de peur du jour au banquet du matin
Tout l'acier des armées convoquées au festin
en zébrures d'éclair effeuille ses pétales
veinés des flots d'odeurs subtiles et létales
l'étoile de David sur la ville déteint
au saphir de Judée serti sur la colline
confluent les nuées qui devant le roi s'incline
dormez ou levez-vous les bleuis de la mort!
car Pâque est rhapsodie aux errants de la foi
en marche pour créer la cité de la joie
des roses de l'oubli les bleuets de l'accord.
La coupole d'Omar emblème de l'Islam
redouble le soleil à l'orient des fidèles
gonfalons d'or au vent des croisés sans cervelle
étêtent des impies au nom d'un oriflamme
Porte Dorée l'ânon qu'aux Rameaux on acclame
la semaine passant des pierres à l'haridelle
et le miel du Cédron est du lait d'asphodèles
qui oint les étoiles pour qui brûlent la flamme
nulle blondeur d'épis dans les champs de l'Ophel
réservés aux marchands sésame et falafel
face aux robes safran des nazirs du devoir
sous les voûtes du Temple où rit encor Hérode
les rouleaux jaunissants de l'Alliance s'érodent
dans Jérusalem d'or où l'esprit est espoir.
Abraham égorgea pour la gloire de dieu
son fils ou un bélier victime expiatoire
péché originel exclu de moratoire
la religion ainsi confina à l'odieux
Vespasien assiégea par un été radieux
zélotes et sicaires va-t-en guerre notoires
s'entretuant pour rien un temple un territoire
la nation juive ainsi au monde dit adieu
les chevaux pataugeaient dans le sang au jarret
tes croisés Godefroy massacraient sans arrêt
psalmodies et péans finissaient par Montjoie
Saladin dérangeait l'ordre franc séculaire
pour asseoir son pouvoir sur la pierre angulaire
d'une ville meurtrie par tant de rabat-joie.
Transfusés d'Exodus en terre des ancêtres
les yeux rougis des nuits de brouillard et de sang
ils montent en rêvant vers Sion renaissant
où les surprend la guerre en mal de nouveaux reîtres
le pourpre au front leur sied comme l'amour aux traîtres
ils avancent chassant les philistins puissants
de la terre abreuvée des restes d'innocents
qui ont cru qu'un Messie un jour allait paraître
le désert de Judée rutile de khamsin
qui couvrent pieusement les humeurs assassines
des pélerins d'un lieu où ils n'ont aucun droit
cette ville de paix sans cesse ensanglantée
des coups de ses enfants en son sein transplantés
tente d'allier en vain croissant étoile et croix.
Etait-ce l'espérance accrochée à des hordes
déferlant des forêts du pays ottoman
ou l'horreur vert-de-gris des bas-fonds allemands?
Or dans Gethsémani trois oliviers se tordent
Six millions de témoins du renouveau la bordent
pour chasser loin d'ici les fils de Soliman
la menthe de leur thé mérite un châtiment?
Et dans Gethsémani trois oliviers se tordent
le cèdre du Liban comme le pin d'Alep
ont rafraîchi ses monts aux douceurs de julep
craignant les bûcherons qui prêchent la discorde
dans la vallée de l'ombre ils dorment espérant
la vie dieu l'amour rien d'un monde intolérant
et dans Gethsémani trois oliviers se tordent.